La notion de biens publics plonge ses
racines dans celle de res publicae, les choses publiques- qui dans le droit
romain désigne ces choses qui appartiennent
au peuple et dont l’usage est commun à tous. Le lien est direct avec la
notion de république – res publica –,
la chose publique qui renvoie quant à elle à l’organisation politique, au
gouvernement libre des affaires de la cité. Ainsi, s’intéresser aux sources de la notion de biens publics
permet de revenir sur le sens donné au mot « public », la manière
dont l’usage de ce mot a évolué au cours du temps, et ce faisant la manière
dont il s’articule avec les concepts et les pratiques de «
gouvernement » et de « démocratie ». Cette articulation,
complexe et qui a connu des formes et des modalités différentes au cours du
temps n’est pas aisée à établir. Si elle est possible cependant et de manière
renouvelée, c’est que le débat aujourd’hui conduit autour des communs vient
notamment éclairer le point aveugle qu’a longtemps constitué la relation entre
« bien public », État et démocratie.
Le
retour des communs et la discussion qui entoure ce retour aident tout d’abord à
préciser et à mettre en lumière les impasses dans lesquelles est enfermée
l’approche classique des biens publics, tout particulièrement dans leur
relation à l’État et permet ainsi de mieux qualifier la crise profonde que
traversent aujourd’hui les biens publics et, avec elle, celle des institutions
qui gouvernent nos démocraties européennes. L’un des défis, mais aussi l’une
des promesses majeures que porte la réflexion en cours sur les communs tient
dans l’éclairage en partie renouvelé qu’il peut désormais apporter pour
explorer les voies possibles d’une reconquête démocratique des biens publics.
Une reconquête qui tout à la fois et dans le même mouvement les protégerait de
la privatisation et permettrait des avancées dans l’exercice de la démocratie [1].
En
appréhendant et en analysant la notion de biens publics en tant que biens du public, cet article souhaite
montrer qu’un renouvellement des approches traditionnelles est possible. En
partant de l’idée que la notion de « public » a d’abord été attachée
à celle de peuple et de citoyen, il s’agit de montrer comment les pratiques
politiques et l’évolution du droit
administratif on conduit à ce que les biens publics, auparavant propriété de tous sont désormais propriété de l’Etat.
Nous montrons qu’en même temps que cette substitution
s’opère, la notion de « propriété » prend une définition radicalement
différente et ce faisant ce sont les liens démocratiques entre l’Etat et la
société qui se dissolvent.
Après
un retour sur quelques-unes des étapes de cette « substitution »
qu’il convient de saisir comme un préalable au mouvement de privatisation des
biens publics, une incursion dans l’expérience italienne autour des beni comuni permettra d’ouvrir la
discussion sur une reconquête démocratique possible des biens publics.
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[1] Le mot « démocratie » est tellement
galvaudé aujourd’hui qu’il aurait peut-être fallu préciser d’emblée la
définition que nous retenons. Nous
n’avons pas pris ce parti, car outre la complexité de l’exercice, la définition
que nous en donnons se construit dans les développements qui suivent. Néanmoins,
pour une histoire politique du mot, le lecteur pourra se reporter à l’ouvrage
de Francis Dupuis-Déri (2013).