lundi 25 septembre 2017

WP 2016-2: Fabienne Orsi (2016) - Biens publics, Communs et Etat: quand la démocratie fait le lien



La notion de biens publics plonge ses racines dans celle de res publicae,  les choses publiques- qui dans le droit romain désigne ces choses qui appartiennent au peuple et dont l’usage est commun à tous. Le lien est direct avec la notion de république – res publica –, la chose publique qui renvoie quant à elle à l’organisation politique, au gouvernement libre des affaires de la cité. Ainsi, s’intéresser  aux sources de la notion de biens publics permet de revenir sur le sens donné au mot «  public  », la manière dont l’usage de ce mot a évolué au cours du temps, et ce faisant la manière dont il s’articule avec les concepts et les pratiques de «  gouvernement  » et de «  démocratie  ». Cette articulation, complexe et qui a connu des formes et des modalités différentes au cours du temps n’est pas aisée à établir. Si elle est possible cependant et de manière renouvelée, c’est que le débat aujourd’hui conduit autour des communs vient notamment éclairer le point aveugle qu’a longtemps constitué la relation entre « bien public », État et démocratie. 

Le retour des communs et la discussion qui entoure ce retour aident tout d’abord à préciser et à mettre en lumière les impasses dans lesquelles est enfermée l’approche classique des biens publics, tout particulièrement dans leur relation à l’État et permet ainsi de mieux qualifier la crise profonde que traversent aujourd’hui les biens publics et, avec elle, celle des institutions qui gouvernent nos démocraties européennes. L’un des défis, mais aussi l’une des promesses majeures que porte la réflexion en cours sur les communs tient dans l’éclairage en partie renouvelé qu’il peut désormais apporter pour explorer les voies possibles d’une reconquête démocratique des biens publics. Une reconquête qui tout à la fois et dans le même mouvement les protégerait de la privatisation et permettrait des avancées dans l’exercice de la démocratie [1]

En appréhendant et en analysant la notion de biens publics en tant que biens du public, cet article souhaite montrer qu’un renouvellement des approches traditionnelles est possible. En partant de l’idée que la notion de « public » a d’abord été attachée à celle de peuple et de citoyen, il s’agit de montrer comment les pratiques politiques et l’évolution du droit administratif on conduit à ce que les biens publics, auparavant propriété de tous sont désormais propriété de l’Etat. Nous montrons qu’en même temps que cette substitution s’opère, la notion de « propriété » prend une définition radicalement différente et ce faisant ce sont les liens démocratiques entre l’Etat et la société qui se dissolvent. 

Après un retour sur quelques-unes des étapes de cette « substitution » qu’il convient de saisir comme un préalable au mouvement de privatisation des biens publics, une incursion dans l’expérience italienne autour des beni comuni permettra d’ouvrir la discussion sur une reconquête démocratique possible des biens publics. 

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[1] Le mot « démocratie » est tellement galvaudé aujourd’hui qu’il aurait peut-être fallu préciser d’emblée la définition que nous retenons.  Nous n’avons pas pris ce parti, car outre la complexité de l’exercice, la définition que nous en donnons se construit dans les développements qui suivent. Néanmoins, pour une histoire politique du mot, le lecteur pourra se reporter à l’ouvrage de Francis Dupuis-Déri (2013).